Mes écrits - Concours de nouvelle Sang pour sang polar 2016



Bonjour à tous,


Voici la nouvelle envoyée au site Sang pour sang Polar. Les consignes étaient les suivantes : inventer une suite au texte ci-après.



"Toutes les fins de mois, monsieur Jacques se rendait au commissariat de Malceny où une charmante policière le prenait par le bras pour l'accompagner et s'assurer qu'il puisse retirer sa pension de retraite au distributeur automatique bancaire sans faire de mauvaises rencontres. Sur le chemin, ils échangeaient sur le temps, sur la vie, ou ce qu'il en restait. Elle lui parlait alors de son fils qui ratait sa quatrième et de son type qui n'aimait pas qu'elle soit flic. Aurait-elle été si agréable si elle avait connu le secret du vieil homme. Si elle avait su ce qu'il cachait dans l'armoire de sa chambre ? Pas le revolver avec la boîte de cartouches. Mais le reste."

Je vous propose de lire ma nouvelle. 



Toutes les fins de mois, monsieur Jacques se rendait au commissariat de Malceny où une charmante policière le prenait par le bras pour l'accompagner et s'assurer qu'il puisse retirer sa pension de retraite au distributeur automatique bancaire sans faire de mauvaises rencontres. Sur le chemin, ils échangeaient sur le temps, sur la vie, ou ce qu'il en restait. Elle lui parlait alors de son fils qui ratait sa quatrième et de son type qui n'aimait pas qu'elle soit flic. Aurait-elle été si agréable si elle avait connu le secret du vieil homme. Si elle avait su ce qu'il cachait dans l'armoire de sa chambre ?
Pas le revolver avec la boîte de cartouches. Mais le reste.
Le mardi matin avant Noël, Stéphanie s'inquiéta de ne pas voir monsieur Jacques arriver à l'heure habituelle. Le mois dernier pourtant, elle lui avait rappelé que la banque fermait entre les fêtes de fin d'année et qu'il serait préférable de retirer sa pension avant Noël. Il l'avait gratifiée de son sourire édenté et avait certifié qu'il n'oublierait pas. Le mercredi passa, ainsi que le jeudi. Le 24 décembre tombait un dimanche cette année. Il ne restait plus que le vendredi.
La journée du vendredi fut relativement calme au commissariat. Trois conduites sous l'emprise d'un état alcoolique, un voleur à la roulotte, qui avait forcé une portière de voiture afin d'y dérober ce qui pouvait s'y trouver. Un cambriolage consommé dans le quartier sud de Malceny. Après avoir appelé le Procureur pour le voleur et tapé le procès-verbal de constats du cambriolage, Stéphanie partit manger un sandwich au café du coin, sans pour autant chasser de son esprit le souvenir de monsieur Jacques.
Elle commanda un Expresso après avoir mangé son déjeuner sur le fil. Elle connaissait bien la patronne, Annette. Tous les six mois environ, cette pétillante quinquagénaire passait au commissariat pour connaître les avancées de l'enquête concernant le meurtre de sa fille, survenu cinq ans auparavant. Et comme d'habitude, on lui répondait qu'aucun élément nouveau n'était venu étayer le dossier. Combative, Annette repartait, convaincue qu'un jour, on retrouverait le coupable. « Je ne renoncerais jamais, disait-elle à Stéphanie et ses collègues. » Derrière le bar, entre les différentes bouteilles, le portrait d'une ravissante jeune fille de vingt ans aux splendides cheveux blonds trônait, entre deux articles de journaux encadrés, relatant l'horreur des faits et la découverte du corps sans vie de la malheureuse victime, droguée, tuée et abandonnée dans une ferme de la région.


Les habitués du bar parlait du cambriolage survenu ce matin.
  • C'est incroyable le nombre de personnes qui ne ferment pas leur porte à clé le soir, avant de dormir, disait un dénommé Paul entre deux gorgées.
  • Il faudrait que chaque maison soit équipée d'un système d'alarme, renchérissait son voisin. Vous en pensez quoi vous ?
Il s'adressait à Stéphanie.
  • Il existe tout un tas de dispositifs, fit la policière. Détecteur de mouvements, de bris de vitres, d'ouverture de porte. Mais bien sûr, la moindre des précautions est de sécuriser son intérieur. Bien fermer les fenêtres, s'assurer que les serrures sont fiables, les portes verrouillées.
  • Heureusement que le couple résidant le pavillon cambriolé était parti en vacances et ne se trouvait pas à l'intérieur, fit remarquer Annette. Un drame est si vite arrivé.
Puis elle regarda le portrait de sa fille, l'air perdu dans le vague.
En reprenant son poste, Stéphanie n'arriva pas à calmer l'inquiétude qui la tenaillait. Et si les cambrioleurs avaient été visiter la maison de monsieur Jacques la nuit précédente, avant de se diriger vers un pavillon plus moderne ? Après tout, la grande bâtisse était située à seulement quelques enjambées du nouveau lotissement où avait été perpétré le délit. Les questions ne cessaient de tourbillonner dans l'esprit de Stéphanie. Supposons que les voleurs aient ligoté le pauvre homme, après l'avoir molesté... Il se pouvait qu'il soit toujours dans la même position, grièvement blessé, tremblant de froid. A quinze heures trente, n'y tenant plus, elle monta informer son supérieur hiérarchique de sa décision de se rendre chez « son petit vieux », comme le surnommait affectueusement les gars du commissariat. Le capitaine Dan Frémont était en ligne avec le Procureur et parlait de la disparition d'une jeune infirmière libérale.
  • Bon sang, disait-il, comment se fait-il que sa famille ne s'en soit pas aperçu avant ? Et ses patients ? Bien. Je vais faire diffuser l'avis de recherche.
Il raccrocha, cogna du poing sur la table.
  • Deux semaines, deux semaines sans nouvelles et les gens ne se réveillent que maintenant ? Vous pouvez crever la bouche ouverte que personne ne se souciera de vous dans ce pays... Quoi Martin....Oui, allez-y... Vous l'aimez bien ce petit vieux hein ? Bon d'accord, mais revenez vite ; je veux poster un flic rue de l'école. Un chauffard fait peur à tous les parents.
Stéphanie se dirigea d'un pas alerte vers sa voiture de patrouille. Il faisait froid à bord et elle monta à fond le chauffage centralisé. Cinq minutes plus tard, en gravissant les marches de la grande bâtisse du 19ème siècle, elle ressentit un léger soulagement. Tout semblait parfaitement en place. La petite voiture rouge de monsieur Jacques était garée dans l'allée, à sa place habituelle, sur le gravier en face du garage, et rien ne semblait avoir été dérangé, vandalisé ou forcé de quelque manière que ce soit. Stéphanie fit tinter la vieille cloche en bronze à côté de l'entrée puis, n'obtenant pas de réponse, toqua vigoureusement contre la porte.
Toujours pas de réponse.
« Je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien », se dit-elle. Apparemment, les cambrioleurs n'étaient pas passés par là cette nuit, mais le fait que monsieur Jacques ne se soit pas présenté au commissariat cette semaine était une chose anormale. Mieux valait vérifier qu'il n'ait pas eu de malaise.
Elle grimaça en tournant la poignée de la porte, constatant que celle-ci était ouverte. « Vous êtes parti pour avoir un bon sermon monsieur Jacques, maugréa-t-elle entre ses dents ».
Le vestibule, le grand salon et la petite cuisine en Formica blanc du rez-de-chaussée étaient déserts. Sur l'égouttoir de l'évier, une tasse à café et une Thermos séchaient. Dans le salon, sur un fauteuil recouvert d'une housse fleuri, était plié le journal du matin. « Monsieur Jacques, s'écria-t-elle d'une voix qu'elle fit légère, c'est Stéphanie Martin du commissariat. Je ne vous ai pas vu cette semaine. Je suis venue voir si tout allait bien. »
Un escalier en bois débouchait au fond du vestibule. Aucun bruit ne provenait de l'étage. Pas de voix, ni de mouvement.
Stéphanie décida de monter les marches en bois. Arrivée au milieu de l'escalier, elle s'arrêta net. Une odeur emplissait l'air, une odeur presque imperceptible mais entêtante, sorte de mélange entre les vapeurs d'une eau de Cologne à la violette bon marché et un antiseptique puissant que l'on trouve dans les hôpitaux. Qu'est-ce que c'était ? En arrivant en haut de l'escalier, Stéphanie dut prendre un mouchoir en papier dans le fond de sa poche et le poser sur le nez, de peur de s'évanouir, car l'odeur s'était faite bien plus forte. Le couloir de l'étage était sombre ; les portes desservant les chambres fermées. Instinctivement, Stéphanie se dirigea vers celle d'où se dégageait le désagréable parfum, la porte de la chambre de monsieur Jacques.
Un lit deux places en chêne foncé, deux chevets et une immense armoire, prenant la totalité du pan du mur à l'est de la pièce, constituaient le mobilier. Stéphanie poussa un petit cri de dégoût. L'air ambiant était à la limite du supportable. Sans se poser de questions, la jeune policière ouvrit en grand les fenêtres et s'avança vers la grande armoire, tirant vers elle les deux lourdes portes en bois. Ce qu'elle vit ensuite allait lui donner des sueurs froides pendant bien des nuits. Habituée aux scènes de crimes plus horribles les unes que les autres, à la décomposition, la putréfaction des corps, aux mises en scènes sordides, Stéphanie pensait avoir fait le tour de la question dans sa carrière de flic. Mais la vision du corps momifié de la femme qui se tenait devant elle, sa longue chevelure blonde intacte, les traits de son visage incroyablement bien conservés, son corps menu, fin, recouvert de fils bandelettes à la manière des momies égyptiennes, la fit défaillir et faire un bond en arrière d'un mètre environ. Elle se retrouva assise sur le lit, pétrifiée d'horreur. Une ombre se dessina dans les contours de la porte. Elle hurla, puis se reprit. C'était monsieur Jacques, emmitouflé dans un peigneur en éponge blanc.
La main portée à sa poitrine, la jeune femme prit quelques secondes à reprendre son souffle et ses esprits.
Quand elle se leva enfin, c'était pour constater que le vieil homme, imperturbable, avait refermé fenêtres et les portes de l'armoire. D'un geste, il lui prit la main, et l'aida à se relever. « Venez en bas, dit-il. Je vais tout vous expliquer. »
Lorsqu'elle reprit le chemin du commissariat, après avoir assuré sa mission à la sortie de l'école maternelle rue Gambetta, ses sentiments étaient mitigés. La stupéfaction, l'horreur de la découverte n'avaient bien sûr pas disparu. Mais il faisait place à une certaine indulgence face à l'histoire que lui avait raconté monsieur Jacques. Pouvait-on comprendre un tel acte ? Peut-être. L'accepter était tout autre chose.
Ses collègues lui demandèrent comment aller ce « bon monsieur Jacques ». Très bien, répondit-elle très sincèrement. Il avait simplement été retirer sa pension de retraite avec sa fille. « Ça m'apprendra à m'inquiéter pour rien, dit-elle. »
Lorsque Nicolas rentra le soir, il lui demanda qui lui avait offert la boîte de chocolat posé sur la table du salon.
  • Un monsieur chez qui j'ai fait une petite visite aujourd'hui.
Nicolas ne posa pas plus de questions. Ils s'étaient mis d'accord depuis quelques temps : on ne parlait plus boulot à la maison. Nicolas n'aimait pas son métier, l'entendre parler de ses enquêtes à tout bout de champ l'exaspérait au plus haut point. Stéphanie le comprenait. Même si son esprit ne connaissait aucun répit, elle n'en laissait jamais rien paraître. Et pis cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas passé un week-end sans garde. Autant profiter sereinement de Nicolas et de son fils et passer un Noël serein.
Le 24 au soir, elle alla chercher en voiture les parents de Nicolas à la pharmacie de Malceny. Le père de Nicolas était en train de servir une femme d'une quarantaine d'année. Stéphanie entra et patienta devant l'étagère des pilules anti-stress quand la cliente passa devant elle et la reconnut.
  • Oh ! Vous êtes la gentille policière qui accompagne mon père à la banque tous les mois ? Je vous ai reconnue. Mon père ne parle que de vous ! Il vous surnomme « ma jolie blonde » !
  • Oui, c'est bien moi, répondit Stéphanie en serrant la main que l'autre femme lui tendait.
  • Je suis de passage dans la région et je me suis rendue au distributeur avec lui. Il voulait vous appeler mais je lui ais dit de ne pas vous déranger. Surtout, n'hésitez pas à me contacter si mon père est trop enquiquinant ! Surtout qu'il a un faible pour les blondes ! C'est à n'y rien comprendre.
Elle souleva son chapeau en laine et libéra une masse épaisse de cheveux noirs comme le jais.
  • Surtout que ma mère était aussi foncé que moi ! C'est à se demander pourquoi il l'a épousée !
Le pharmacien et sa cliente ne comprirent pas pourquoi Stéphanie se rua vers sa voiture avec une telle vitesse. Les automobilistes qu'elle croisa sur son chemin non plus. Nicolas, qui n'était plus à ça près, faillit faire renverser la dinde dans son plat lorsque la porte d'entrée claqua avec fracas.
  • Où es la boîte de chocolat de monsieur Jacques ?
  • Quelle boîte de chocolat ?
La jeune femme se précipita vers l'étagère de la cuisine où étaient rangées les confiseries.
  • La boîte de chocolat que j'avais posé sur la table avant-hier soir. OU ELLE EST ?
Nicolas redressa sa dinde dans son plat.
  • Ton fils vient de la prendre il y a même pas quinze secondes.
En entendant sa compagne monter les escaliers en hurlant un « Nonnnnn » à vous perforer les tympans, Nicolas secoua la tête d'un air de désolation.
  • Je crois que ce métier est en train de la rendre complètement folle.
Sur quoi, il ferma la porte du four et dressa la table pour le Réveillon.




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